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Moins d’élevages La crise accentue à la marge la restructuration

La baisse du nombre d’exploitations est en moyenne de 4,1 % par an depuis dix ans. Après presque trois années de crise, elle restera sous les 5 % en 2017.

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Tout le monde a en tête un ou plusieurs voisins qui arrêtent l’activité laitière, ­certains avec fracas à la suite de la dissolution d’un Gaec, de difficultés financières ou du ras-le-bol pour un métier très prenant et peu rémunérateur. La crise qui sévit depuis trois ans accélère-t-elle le recul inexorable du nombre d’exploitations laitières ? Elles étaient un peu moins de 94 000 en 2006, elles seront sous les 59 000 à la fin de l’année. Depuis dix ans, la France enregistre une baisse de 4,1 % par an (voir carte ci-contre) « Entre la mi-2016 et le début 2017, il y a eu une petite accélération, répond Christophe Perrot, économiste à l’Institut de l’élevage, à partir de deux sources statistiques. Elle a été d’abord perceptible sur le nombre de livreurs, puis sur celui des détenteurs de vaches laitières(1), suivie d’un retour à la normale. » Au bout du compte, sur douze mois à cheval sur 2016 et 2017, la France affiche 500 départs de plus (3 000 contre 2 500 par an depuis 2013) ou -5 % en un an. Le recul devrait être autour de 4,6 % pour 2017. « Ce rythme de disparitions va rester en deçà des -6 % de 2007-2008. L’envolée du cours du blé avait décidé un certain nombre d’éleveurs à abandonner le lait. »

Même si la situation reste très délicate pour bon nombre de producteurs, elle ne s’accompagne donc pas d’une hémorragie d’arrêts d’activité.

La restructuration des emprunts bancaires, le recours au court terme, la patience des fournisseurs face aux paiements tardifs, etc. ont aidé et aident encore à traverser cette période difficile. En revanche, bien qu’il soit compliqué de chiffrer les liquidations judiciaires, la crise a donné le coup de grâce aux exploitations extrêmement fragiles. Elle a aussi accéléré la réflexion de ceux qui pensaient abandonner le lait en milieu de carrière ou quelques années avant la retraite au profit des cultures et de la viande. La vente des contrats laitiers autorisée jusqu’en décembre dernier a sans doute facilité la décision des livreurs de groupes privés. La loi Sapin 2 l’interdit désormais… mais pas aux adhérents de coopérative si celle-ci accepte la cession des parts sociales directement entre producteurs (Eurial par exemple, lire ci-contre). « Peut-être ces ventes de contrats et parts sociales ont-elles joué dans la baisse des départements très laitiers d’Ille-et-Vilaine et de la Manche ? Leur baisse est un peu plus marquée qu’ailleurs », déclare Christophe Perrot. Entre mai 2015 et mai 2017, cette baisse est de 5,6 et 5,4 %, contre - 3,8 et - 4,1 % en moyenne sur dix ans.

Depuis dix ans, les régions les plus denses continuent de se concentrer. Elles ont récupéré la moitié des vaches laissées par les trois quarts de la France (carte ci-dessus). Pendant la crise, ce déplacement ne s’interrompt pas.

La crise révèle les régions les plus motivées

La crise révèle les plus motivées par le lait : dans le Grand Ouest, sa zone nord et la Loire-Atlantique, dans le Nord, les départements du Nord et des Ardennes, dans l’Est, les régions d’AOP (Franche-Comté, Savoie et Haute-Savoie). « À l’inverse, les éleveurs du Sud-Ouest ne trouvent pas d’intérêt à reprendre les volumes libérés par leurs collègues. »

De même, la crise ne décourage pas les producteurs qui veulent se développer. La preuve : la progression du nombre de troupeaux de plus de 100 vaches s’est maintenue à + 800 en 2016. C’est dans la tendance des années passées. « La majorité n’est pas liée à des regroupements mais à des croissances progressives. » L’an dernier, on en compte 7 145 et, pour la première fois, le nombre de troupeaux de plus de 200 vaches franchit la barre des 300.

Les grands troupeaux qui arrêtent ont une forte résonance dans les campagnes. En réalité, ils sont moins d’une centaine sur les 2 500 départs annuels.

Trois quarts des cessations dans les troupeaux de moins de 50 vaches

En fait, dans les trois quarts des cas, les arrêts concernent des fermes de moins de 50 vaches. Des arrêts silencieux, programmés, mais qui vident petit à petit les territoires.

Qui sont ces éleveurs ? Menant de front lait et activités viande ou cultures, ils choisissent de privilégier ces dernières. Et surtout, ils ont l’âge de la retraite. Or, un certain nombre juge que l’avenir du métier est aux grands troupeaux.

Ils ne s’inscrivent pas dans une perspective de transmission d’ateliers qui, pourtant, intéresseraient des jeunes (lire ci-contre). Car, contrairement aux idées reçues, selon l’observatoire des élevages laitiers du Cniel, les 1 200 installations annuelles (hors conjoints) ne se font pas ­uniquement dans de grosses structures sociétaires. « L’un des atouts de la filière est la diversité des installations qui favorise sa résistance aux crises et sa capacité à s’adapter aux différents marchés. »

Un atout qu’il ne faudrait pas perdre. Si la politique publique est moins offensive que dans les années 1990- début 2000, des industriels laitiers prennent le relais. C’est le cas d’Eurial qui lance un prix de base plancher de 300 €/1 000 litres pour les cinq premières années. « C’est une bonne idée. Si l’on veut encourager les installations et les investissements, il faut contenir, par le prix payé ou par la future Pac, la volatilité des prix qui déstabilise les producteurs. » Ils investissent huit cents millions à un milliard d’euros par an pour le lait. C’est plus que les industriels.

Claire Hue

(1) Baisses à partir des enquêtes mensuelles de FranceAgriMer et de la base de données nationale de l’identification.

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